RIRE: POUR QUOI FAIRE?
• Le rire traverse notre histoire collective: dans l’Iliade d’Homère, le vainqueur d’un combat éclate de rire, marquant sa supériorité à l’égard de son adversaire ; certains personnages de la Bible sont secoués de fous rires ; les cathédrales du Moyen Age portent les traces d’un rire grotesque qui s’exprime sur les gargouilles ornant leurs façades et sur le visage des personnages sculptés de leurs chapiteaux de colonnes ; on rit dans les salons mondains du XVIIIe siècle ; et la littérature est depuis toujours traversée par la veine comique. Chaque époque, chaque culture donnent au rire des valeurs.
• La première fonction du rire est sociale, tant il est vrai qu’on rit rarement seul. Et, quand cela se produit, c’est, selon la formule de Daniel Sibony, « pour se secouer l’identité ». En riant, on se dédouble, on rit avec un autre que soi-même. Les manifestations du rire sont souvent collectives. Le rire crée la cohésion sociale dans la fête. Il fédère un public lors de spectacles comiques. Mêmes les rires enregistrés pour les séries télévisées sont collectifs.
• Cependant, cette fonction sociale du rire se révèle assez complexe. Le rire, parce qu’il est une tension, un « entre-deux », est par essence contradictoire. Dans sa dimension sociale, il unit les individus par-delà leurs clivages. C’est une fonction de la blague, de l’histoire drôle que de rassembler l’auditoire le temps d’un rire. Il permet même parfois d’atténuer des conflits et de désamorcer les tensions. Pourtant, cette réunion par le rire se fait souvent aux dépens des personnes dont on se moque. Le rire a ceci de paradoxal qu’il intègre et exclut à la fois : il réunit un groupe contre un individu. Il peut aussi servir de diversion, de force d’opposition : il est arme efficace pour renverser un argument imparable.
• Etymologiquement, le terme « critiquer » provient d’un mot grec signifiant « décider ». De fait, une attitude critique ne se résume pas à développer un point de vue négatif sur le sujet abordé, mais bien à décider de la valeur des choses. C’est en ce sens que le rire joue pleinement son rôle critique. Il n’est pas obligatoirement contre, mais oblige à repenser les échelles de valeurs. Il est donc déstabilisateur par nature : là où les convictions sont établies, où une idéologie règne sans partage, le rire bouscule les certitudes.
• Si le rire peut être une arme offensive, ambigüe parfois, mais d’une redoutable efficacité lorsque l’on veut bousculer valeurs et pouvoirs établis, il constitue aussi une arme de défense. Comment le rire peut-il protéger celui qui l’utilise ? De quoi faudrait-il se préserver en riant ? Parce que le rire aide à l’affirmation de soi et contribue à unir ceux qui rient, le rire de résistance surgit logiquement face à une situation qui fragilise notre identité individuelle ou collective. En quoi le rire est-il capable de nous protéger individuellement ? comment le rire permet-il de résister face à un système oppressif, dont la force d’écrasement s’exerce toujours de façon collective ?
LE SPORT, MIROIR DE NOTRE SOCIÉTÉ ?
• Le sport est souvent perçu comme un moyen de réaliser des desseins supérieurs : il éduque et élève l’homme, l’aide à se construire dans son rapport avec lui-même, avec les autres et avec la nature. Victoire de l’individu sur lui-même et contre l’adversité pour les uns, il porte en lui des valeurs positives.
• Le sport peut-être considéré comme un « fait social total » : il est présent dans tous les domaines de la société et comporte aussi bien une dimension idéologique, économique, culturelle, physique ou technologique… Celles-ci interagissent, se complètent ou s’opposent.
• Défini à la fois comme un idéal et une pratique, le sport est un phénomène protéiforme, caractérisé par son ambivalence. S’il véhicule des principes d’harmonie et d’équilibre, il est aussi un lieu d’expression privilégié des travers de notre société : à la manière du négatif d’une photographie, il révèle ainsi, en creux, les inquiétudes et les dysfonctionnements de notre monde.
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